L’implication de Satoru Iwata dans le succès mondial de Pokémon

Saviez-vous qu’avant d’être PDG de Nintendo, Satoru Iwata avait participé activement à l’export de la licence Pokémon en-dehors des frontières du Japon ? C’est avec nostalgie et tendresse que ses anciens collaborateurs nous racontent l’épopée de la localisation anglaise des premières versions de Pokémon.

Cela fera bientôt six mois que Satoru Iwata, ancien PDG emblématique de Nintendo, nous a quitté. Le monde qui avait pour habitude de graviter autour de ce rayonnant personnage continue cependant d’honorer son souvenir en livrant au public moult anecdotes afin de lui rendre hommage. Et récemment, c’est Tsunekazu Ishihara, l’actuel président de The Pokémon Company, qui s’est livré avec nostalgie aux micros de nos confrères japonais de 4Gamer pour nous parler de l’implication de son ancien collègue de travail dans le rayonnement mondial de la licence Pokémon, à une époque durant laquelle celui-ci était encore le président de HAL Laboratory.

(Traduit de l’anglais par Gamer Network)

4Gamer : je pense qu’il y a encore plus de personnes de nos jours qui ignorent qu’Iwata-san était impliqué dans [la licence] Pokémon.

Tsunekazu Ishihara : je pense qu’il y a même des personnes au sein de Nintendo qui ne le savent pas. 1998 était l’époque durant laquelle Iwata-san travaillait encore pour HAL Laboratory [NDLR : le studio ayant notamment créé Kirby, Mother ou encore Super Smah Bros.].

4Gamer : pourriez-vous, s’il vous plaît, partager avec nous quelques informations à ce sujet ?

Tsunekazu Ishihara : oui, bien sûr. A l’époque, Game Freak [NDLR : l’ancien nom de The Pokémon Company] était tourné vers la production du prochain titre, avec Pokémon Or et Argent, et nous n’avions pas assez de personnel pour en consacrer à d’éventuels portages de jeux. Pour commencer, lorsque nous avions créé Pokémon Rouge et Vert, l’idée de les porter vers d’autres pays que le Japon ne nous a même pas traversé l’esprit. C’est lorsque nous avons entendu la voix autoritaire de Yamaushi-san [NDLR : Hiroshi Yamauchi, l’ancien PDG de Nintendo avant Satoru Iwata] dire « sortez ça aux Etats-Unis ! » que tout cela a commencé.

4Gamer : à ce moment-là, donc, Game Freak était dans une situation où les ressources ne pouvaient être partagées pour réaliser des portages ou pour planifier des projets tels que Pokémon Stadium ?

Tsunekazu Ishihara : en effet. En plus de nous donner des ordres fermes concernant le portage du jeu en-dehors de nos frontières, Yamaushi-san était aussi là pour nous donner des ordres du genre « dépêchez-vous et travaillez sur le prochain jeu » (rires). Cependant, à ce moment précis, nous ne voyions qu’un seul choix possible à la fois, et avions décidé de porter notre attention sur le développement des versions Or et Argent plutôt que sur la traduction anglaise [de Rouge et Vert], en pensant que « le portage du jeu à l’étranger est juste un rêve au sein d’un autre rêve » et en abandonnant cette idée. Mais c’est à ce moment-là qu’un homme a levé la main : le PDG de HAL Laboratory, Satoru Iwata.

4Gamer : plus précisément, quel type de travail faisait Iwata-san ?

Tsunekazu Ishihara : pour commencer, Iwata-san s’est procuré le code-source de Rouge et Vert, et bam, a tout lu d’une traite avant de commencer à planifier une méthode sur la manière de créer une version étrangère pour ces deux versions du jeu.

(A ce moment de l’interview, Nobuo Kawakami, le président et directeur délégué de la société Kadokawa, ajoute en riant que l’analyse de codes-sources est quelque chose, normalement, dans lequel vous ne verrez jamais un seul PDG fourrer son nez)

Tsunekazu Ishihara : oui, en effet (rires). Malgré tout, Iwata-san fit d’abord l’analyse, et avec ces instructions, Murakawa-san [NDLR : Teruki Murakawa, alors responsable-adjoint du département de planification de la production] put commencer à travailler sur le travail de localisation. L’histoire que j’ai entendu de Murakawa-san est d’ailleurs assez drôle. Murakawa était un ingénieur spécialisé en hardware, mais un jour, ses supérieurs lui demandèrent de « procéder à des examens de recrutement pour le projet ». Ce qui signifiait, basiquement, qu’il devait aller voir Iwata-san, et examiner attentivement s’il [Murakawa] pouvait accomplir le travail lui-même. Il s’est alors rendu à HAL Laboratory, pour finalement voir Iwata-san lui expliquer tout le travail qu’il avait déjà accompli avant qu’il ne vienne le voir. D’après eux, la discussion avait commencé à midi et s’était terminée à minuit.

Loin d’être anodine, cette interview confirme de nouveau les affirmations selon lesquelles Satoru Iwata était l’un de ces PDG comme on en fait peu, n’hésitant pas à mettre lui-même la main à la pâte pour participer à la concrétisation de projets dans lesquels il croyait fermement. Dirigeant, mais créateur avant tout. D’ailleurs, certains autres de ses anciens collègues avaient déjà eu l’occasion – lors de plus anciennes déclarations – de confirmer qu’il prenait un réel plaisir dans l’étape de création des jeux, d’où ce goût pour l’investissement personnels aux côtés de ses employés. Ces mêmes employés qu’il n’aura eu de cesse de défendre pour leur éviter d’être licenciés lorsque les résultats financiers de Nintendo étaient en berne, quitte à diviser son salaire par deux pour apaiser des actionnaires mécontents des résultats de la 3DS.

En mémoire de Satoru Iwata (1959 – 2015)