Aujourd’hui dans la critique manga, attaquons-nous au premier tome de Poison City
Poison City est un manga de Tetsuya Tsuitsui qui est publié dans le Jump Kai depuis avril 2014. La série ne compte pour le moment qu’un tome relié au Japon. Le premier tome est disponible depuis mars dernier chez Ki-oon
Mikio Hibino, 32 ans, mangaka, pense tenir le bon bout avec sa prochaine série Dark Walker, sauf que tout ne va pas se passer comme il l’espérait. Nous sommes au Japon en 2019, dans un an débuteront les Jeux Olympiques, et c’est dans ce contexte que la censure vis-à-vis des mangas pouvant choquer le public est poussée à son paroxysme.
Poison City est un titre que ne pourra vous laisser indifférent, l’auteur veut faire passer un message avec ce titre. Et non seulement, on comprend assez vite où il veut en venir mais en plus, l’histoire est intéressante.
A travers ce premier volume de Poison City, on y découvre les difficultés rencontrées par les mangaka au quotidien qu’il s’agisse du côté financier et de l’aspect psychologique. En effet, ici, le personnage central Mikio Hibino, jeune mangaka sur le point de lancer sa nouvelle série explique notamment qu’il a du mal s’acquitter de toutes les charges qui pèsent sur lui. Il est aussi fait mention qu’un mangaka commence à gagner correctement sa vie grâce aux ventes des tomes reliés, les recettes obtenues grâce aux publications, hebdomadaires, mensuelles… suffisent à peine. On retrouve aussi un passage où l’éditeur d’Hibino s’inquiète de sa perte de poids, on apprend que celui-ci s’est alors totalement concentré sur son manga sans vraiment prêter attention à sa santé. Par ces moments, on peut s’apercevoir qu’être mangaka professionnel n’est pas chose aisée.
Tetsuya Tsuitsui dresse aussi un portrait peu flatteur de la société dans laquelle il vit. Poison City est certes dans l’anticipation (voire exagération) cependant, la censure se fait plus forte (et ce ne sont pas les fans d’animés ecchi qui diront le contraire). C’est dans ce contexte qu’un comité jugeant les mangas dignes d’être accessibles au public est créé. Ainsi toutes les œuvres susceptibles de choquer l’opinion sont signalées comme étant 18+ et ne sont donc pas disponibles librement. Tetsuya Tsuitsui puise dans son expérience personnelle puisqu’un de ses mangas à savoir Manhole fut victime de la censure dans le département de Nagasaki au Japon. Il n’est pas question de vengeance puérile dans Poison City, mais plutôt de montrer jusqu’où peut aller la censure en tant que moyen de contrôle.
Nous n’aurons pas à attendre très longtemps puisque Hibino sera victime de la censure, avec son manga Dark Walker qu’il a pourtant dû retravailler afin de tantôt cacher la forme d’un corps mort ou bien cacher le personnage principal en train de se griller une cigarette. Rien n’y fait, le magazine où est publié Dark Walker est retiré des ventes, et cela donnera l’occasion de découvrir le point de vue d’un auteur autrefois censuré qui a décidé de changer drastiquement de bord, à tel point que l’on ne peut plus vraiment le considérer comme un mangaka puisqu’il ne fait que recopier des scénarios sans âme, c’est selon lui l’avenir du manga. Il en est même venu à soutenir la censure… Il faut savoir que le manga de cet auteur a été utilisé par un meurtrier qui s’en est inspiré. En tant que mangaka, peut-on vraiment dessiner tout et n’importe quoi sous prétexte qu’il ne s’agit que de fiction ?
Néanmoins, cela ne fera pas changer l’avis d’Hibino qui procédera à un ultime recours afin de préserver sa liberté et celle de son manga : la publication web même si elle lui rapportera moins d’argent, il pourra garder une certaine indépendance vis-à-vis de son histoire.
Au-delà du côté critique de la société japonaise, il y a plusieurs autres aspects très intéressants dans Poison City, tout d’abord nous découvrons plusieurs pages du manga d’Hibino, nous pouvons d’un côté suivre l’histoire de Dark Walker mais nous nous rendons compte de tout les changements que doit opérer Hibino sur son manga afin d’éviter la censure.
Si la Poison City est un manga engagé, il n’en oublie pas d’être plaisant à lire. Cela commence avec les personnages, en particulier Hibino et surtout, l’homme au centre de ce système de censure qui est un véritable fanatique dans sa quête du politiquement correct et de l’éradication de la violence dans les mangas. Il est aussi intéressant de penser à ce que vont devenir Hibino et son manga.
Nous aurons aussi l’occasion de découvrir un point de vue extérieur puisqu’un éditeur américain est très intéressé pour publier Dark Walker, ainsi sa visite au japon et sa rencontre avec Hibino donnera lieu à un échange qui apportera de l’épaisseur à l’histoire.
On peut dire que Poison City est un manga très bien pensé, la lecture est simple, rapide et le dessin est de qualité, il a beau passer un message, il n’en oublie pas de divertir. C’est un manga que nous vous recommandons très fortement.