Après s’être imposée comme la référence du 4X sur PC, la licence Civilization revient dans un sixième opus placé sous le signe du changement. Est-ce une bonne chose ? Réponse dans ce test.
- Support de test : PC / Windows 10 Pro 64 bits / Intel Core i5-2500K 3,30 GHz / 8 Go RAM / Asus GTX 760 OC
- Version du jeu testée : version commerciale, fournie par 2K
- Développeur :Firaxis
- Éditeur :2K
- Type : stratégie, 4X, gestion
- Classification : PEGI 12
- Date de sortie française : 21 octobre 2016
Civilization VI était attendu comme le messie par tous les fans des opus précédents, Civilization V ayant fait forte impression, spécialement avec l’ajout d’add-ons d’une rare qualité. Avec ce sixième épisode de la célèbre franchise ayant donné ses lettres de noblesse au 4X (eXplore, eXpand, eXploit, eXterminate, ndlr), les studios Firaxis ont clairement voulu faire souffler un vent de nouveauté par le biais de nouvelles fonctionnalités. Le tout, maintenant, étant de savoir si la nouvelle recette fonctionne.
Nouveau Look pour un nouveau Civ
Depuis les premières captures d’écran à avoir été révélées, la question de la nouvelle direction artistique fut maintes fois soulevée : l’aspect légèrement cartoon des dirigeants et le style dessiné du brouillard de guerre, entre autres, ne vont-ils pas nuire à l’identité de la licence ?
Malgré les craintes, le verdict semble pourtant sans appel : la nouvelle DA est tout simplement magnifique sur tous les points. Graphiquement, le jeu est superbe et le dépaysement n’est pas si flagrant que ça. Civilization continue de faire du Civilization, et on retrouve beaucoup d’éléments visuels typiques de la saga, ce qui évite l’écueil du tout-changement qui aurait pu provoquer du rejet de la part des habitués.
Au niveau de l’interface et de l’ergonomie, on appréciera l’accueil, sobre et efficace, ainsi que la bande-son qui excelle à accueillir le joueur au lancement du jeu et s’adapte aux dirigeants en pleine partie. On s’étonne même de garder certains refrains en tête une fois la partie terminée. Par contre, si l’interface utilisateur en pleine partie est plutôt jolie visuellement, le minimalisme voulu par Firaxis dans ce sixième opus a de quoi déconcerter durant les premières heures de jeu, tant les informations importantes ne sautent pas aux yeux. Il faut ainsi chercher les infos en essayant de décrypter l’organisation de la nouvelle interface des villes, par exemple, avant de comprendre où consulter les infos cruciales pour son développement.
Les leaders, quant à eux, ne sont pas dénués de charisme. L’aspect cartoon, en effet, a permis de donner plus de caractère et d’expressivité à ces personnages qui nous paraissent ainsi plus vivants au fil des interactions diplomatiques. Gilgamesh nous apparaît alors en parfait fanfaron, et les râteaux infligés par Cléopâtre provoquent à la fois sourire et frustration. Et concernant Gandhi, personnage mythique au point d’en être devenu un mème, le ravalement de façade a rendu celui-ci bien plus sympathique… malgré son amour toujours aussi prononcé pour le feu nucléaire.
Système réformé
Les quartiers, cette nouveauté incontournable :
Au-delà de l’aspect visuel et sonore, Civilization est avant tout un gameplay. Et les modifications annoncées par Firaxis étaient bien évidemment attendues au tournant par les joueurs.
La première chose qui nous frappe, lors de la première partie, est le fameux système de quartiers. Alors que Civilization V permettait à toutes les villes d’enchaîner les constructions rendues disponibles par les technologies, Civilization VI regroupe lesdites constructions en quartiers que vous devrez construire en premier lieu. Concrètement, il vous faudra réquisitionner un hexagone de territoire par quartier, celui-ci regroupant ensuite tous les bâtiments associés qui ne prendront pas de place supplémentaire par la suite.
On distingue ainsi plusieurs types de quartiers principaux en fonction des différents axes de développement :
- la place du théâtre, qui regroupe les bâtiments produisant de la culture ;
- la plateforme commerciale, regroupant les structures qui permettront d’augmenter les revenus du joueur ;
- le lieu saint, obligatoire pour fonder un panthéon, et, à terme, une religion.
- le campus, essentiel à l’amélioration des gains de points permettant de débloquer des technologies ;
- le complexe de loisir, qui gère désormais le taux de bonheur des citoyens ville par ville, finie la moyenne de bonheur de l’empire ;
- le quartier industriel, qui sera indispensable si vous souhaitez augmenter drastiquement le taux de production d’une ville (bâtiment et unités militaires) ;
- le port, qui offre la possibilité d’établir une zone portuaire sur une case d’eau accolée à une côte. Indispensable pour produire des unités navales, le port offre aussi certaines fonctionnalités à celles-ci ;
- l’aérodrome, qui donnera dans un premier temps la capacité de créer des unités volantes, puis des fonctionnalités de fret aérien diablement utiles pour vos unités terrestres ;
- le campement militaire, améliorant la production d’unités et offrant quelques fonctions utiles lors de leur création ;
- le quartier résidentiel, qui sera la clé de voûte de vos quartiers, celui-ci vous permettant d’augmenter la limite d’habitants.
Ce dernier quartier sera crucial – et à développer le plus tôt possible – étant donné qu’il régira le nombre de vos quartiers, ceux-ci ne pouvant se cumuler que tous les trois habitants (ce qui signifie qu’à 6 habitants, vous ne pourrez construire que deux quartiers). Il sera donc essentiel de bien choisir vos premiers quartiers en fonction de vos priorités avant d’obtenir la possibilité d’établir les autres.
Si ce système est laborieux à appréhender de prime abord, il faut avouer qu’à terme, le système est finalement très facile d’usage et redoutable d’efficacité. Celui-ci permet ainsi d’attribuer des spécialisations à chaque ville, donnant l’impression au joueur d’établir un véritable empire avec ses atouts et sa variété de production. A noter que les merveilles mondiales fonctionnent maintenant de la même manière, et qu’il faudra les répartir entre les villes pour éviter de leur faire occuper trop de terrains dans une même ville.
Le nouveau rôle de la religion :
L’autre axe de changement voulu par Firaxis concerne les domaines de la diplomatie et du religieux. La victoire diplomatique, par exemple, a disparu (finie la création de l’ONU) pour laisser place à la victoire religieuse. Et celle-ci se révèle bien plus intéressante et trépidante dans le sens où elle se jouera presque comme la recherche d’une victoire militaire.
La religion se dote désormais d’un quartier (le lieu saint), d’unités terrestres variées aux capacités différentes (missionnaires, apôtres, prophètes, inquisiteurs), et il est désormais possible de faire des combats théologiques », au sein desquels les unités vont s’affronter spirituellement, et ainsi générer de l’influence dans les villes à proximité en cas de victoire (et baissant celle de la religion d’en face dans la foulée).
Très prenant dans le concept, la religion se révèle plus agressive qu’avant et constitue un ajout appréciable au sein du jeu, une véritable mécanique supplémentaire qui vient se greffer à Civilization VI. Par contre, on regrette parfois le prosélytisme un peu trop zélé de l’IA qui nous envoie très (trop ?) régulièrement des bataillons entiers de missionnaires à gérer du mieux possible… Que celles et ceux qui ne comptaient pas faire amis-amis avec leurs voisins se rassurent, néanmoins : il est possible d’éliminer une unité religieuse en un seul coup avec une unité militaire. Les diplomates, eux, pourront essayer de passer par la case négociation pour demander l’arrêt des opération religieuses… en prenant le risque que l’IA ne tienne volontairement pas ses promesses s’il vous juge trop faible…
Les guerres de religion seront souvent aussi imposantes que les guerres traditionnelles.
Le nouveau lien entre le commerce et certaines infrastructures :
D’autres changements sont également à noter du côté des infrastructures commerciales. Si le nombre de commerçants est toujours limité, celui-ci pourra être augmenté via la création de bâtiments au sein des plateformes commerciales (les quartiers dédiés à la finance) ou via l’arbre dogmatique (nous y reviendrons plus tard). Et pendant que vous expédierez vos commerçants d’une ville à l’autre, celui-ci créera tout seul la route nécessaire, rendant ainsi le commerce bien plus important qu’auparavant sur le plan stratégique.
Les ouvriers ne sont alors plus les créateurs de routes, et il sera obligatoire d’obtenir des commerçants rapidement pour établir des routes entre vos villes afin de faciliter le transit de vos unités. Un peu plus tard dans l’arbre technologique, vous aurez la possibilité de débloquer l’ingénieur militaire, capable de construire des forts et des routes à la main, mais vos commerçants seront tellement efficaces que vous en oublierez complètement son existence dans ce rôle.
Les ouvriers, d’ailleurs, n’ont pas été épargnés par le vent du changement. Finis les ouvriers permanents, ceux-ci sont désormais des unités à « charges limitées », ce qui signifie que ceux-ci ne pourront effectuer qu’un nombre limité d’action avant de disparaître pour de bon. Il faudra alors bien doser les priorités de votre empire afin de ne pas utiliser vos premiers ouvriers n’importe comment, ceux-ci occupant désormais régulièrement de la place dans vos projets de construction, bien que vous pouvez aussi en acheter avec des espèces sonnantes et trébuchantes (bien que leur coût augmente à chaque achat). Un peu frustrant au départ, ce nouveau système se révèle finalement pertinent, surtout avec la possibilité d’augmenter leur nombre de charges via divers procédés.
Une diplomatie aux contours plus nets :
Si la diplomatie n’est plus une condition de victoire, celle-ci continue toutefois de constituer une arme incontournable pour qui refuse de se brouiller avec ses voisins tous les trois tours. La diplomatie se retrouve ainsi au premier rang dans votre gestion des cités-états, ces villes indépendantes plus ou moins armées dont le contrôle peut s’avérer crucial dans le contrôle de certaines zones de la carte.
Désormais, le système de contrôle des cités-états est un peu plus facile d’accès. Chacune d’entre elles vous confiera des quêtes de temps à autre (la convertir religieusement, construire une unité en particulier, etc.), ce qui vous fera gagner un émissaire. Le système de points d’influence, également, vous en fera gagner d’autres, et il vous sera ensuite permis d’attribuer ses émissaires – de façon permanente – à telles ou telles cités-états. Chacune vous proposera 3 paliers de bonus (militaire, religieux, etc.) en fonction du nombre d’émissaires postés chez elle. Au-delà de ses trois paliers, vous aurez ensuite la possibilité d’en devenir le suzerain si vous êtes la civilisation possédant le plus d’émissaires en son sein. Être suzerain vous permettra d’obtenir des bonus non-négligeables, comme mobiliser manuellement leurs forces armées en échange d’une somme précise. Rien que ça.
Concernant les relations entre leaders, la diplomatie a également connu une refonte de son interface. Si les possibilités demeurent grosso modo les mêmes (discuter, marchander, etc.), le système devient plus compréhensible grâce à la présence d’explications concernant le caractère du leader visé, ses attentes, et la liste des actions permettant de le faire pencher en votre faveur. Cependant, on regrette que ces changements soient peu visibles dans l’interface, et un tutoriel un peu plus complet que celui de base aurait été le bienvenu pour comprendre ce système plus rapidement.
…et bien plus encore :
Civilization VI a également repensé d’autres aspects de son gameplay, à l’instar de son système de technologie qui ne se cantonne plus seulement aux avancées scientifiques, mais également dogmatiques.
Il y a désormais deux arbres différents à gérer : le classique dont la rapidité de progression continuera d’être optimisée par l’acquisition de points de science, et l’arbre des dogmes, qui avancera en fonction des points de culture. Cette dernière devient alors bien plus importante que dans Civilization V, celle-ci nous permettant par exemple de débloquer de nouveaux systèmes politiques avec leurs avantages associés. Ces deux arbres de compétences apportent dans la foulée un système d’« optimisation » qui vous permettra de diviser par deux le temps de création d’une technologie si vous remplissez certaines conditions, comme raser 3 camps barbares ou posséder certaines ressources de luxe.
Enfin, parmi la foultitude de nouveautés annexes, on notera également la fin des pénalités d’expansion d’un empire, le bonheur étant contrôlé ville par ville (en gérant les loisirs et les ressources de luxe), ce qui permet aux joueurs de ne plus se limiter en nombre de cités. Les unités militaires, quant à elles, pourront être empilées jusqu’à deux fois (pour obtenir un lot de 3 unités n’en formant plus qu’une seule), soit manuellement, soit dès la sortie de l’usine pour peu que vous ayez les bâtiments nécessaires. Et le nouveau système de gouvernement vous permettra de cumuler différents bonus selon le régime choisi (théocratie, démocratie, fascisme, etc.) tout en jouant avec un système de cartes – à débloquer via l’arbre des dogmes – qui attribueront à votre civilisation des bonus dans différents domaines.
L’excellent système de gouvernement permet au joueur de peaufiner son propre style de jeu.
Optimization VI
Civilization VI, malgré ses nombreux points positifs, n’est toutefois pas exempt de défauts. Nous avons évoqué plus haut les excès de l’IA dans le domaine de la victoire religieuse, mais d’autres problèmes sont à noter. En premier lieu, le système de tutoriel est loin d’être clair, et celui prévu pour n’expliquer que les nouveautés de Civilization VI aux habitués des autres épisodes se contente souvent de vous présenter les fonctionnalités nouvelles en quelques lignes. Il faut ainsi plusieurs parties aux joueurs pour vraiment réussir à apprivoiser les nouveaux rouages de la franchise et commencer à profiter du jeu pleinement.
La taille des cartes a également fait bondir plus d’un connaisseur, les plus grandes proposées étant moins grandes que celles de Civilization V… Pour mieux détailler ces différences, voici un comparatif des tailles entre Civilization V et Civilization VI :
- Duel : 40×24 ➜ 44×26
- Minuscule : 56×36 ➜ 60×38
- Petite : 66×42 ➜ 74×46
- Normale : 80×52 ➜ 84×54
- Grande : 104×64 ➜ 96×60
- Immense : 128×80 ➜ 106×66
Fort heureusement, des mods n’ont pas tardé à arriver pour compenser le problème, bien que le fait de jouer sur des plus grandes maps commence à faire chauffer les cartes graphiques à partir d’une taille de 128… en gros, si vous voulez voir en grand, préparez la VRAM.
Des tutoriels existent également sur Internet pour vous permettre de compenser certains réglages non-paramétrables, comme le passage automatique d’une unité à l’autre qui se révèle extrêmement agaçant lorsque le jeu décide de vous faire passer d’un bout à l’autre de la carte lors de la résolution des tours des dernières unités disponibles. On regrette ici que Firaxis n’ait pas rendu le paramétrage des parties plus complexe, forçant le joueur à bidouiller dans les fichiers de configuration afin de rendre l’ergonomie des parties un peu plus personnalisable. Loin de représenter de gros défauts entravant le plaisir de jeu, il s’agit tout de même là de légers manques de finitions qui empêchent le jeu d’approcher toujours plus de la note parfaite.